samedi 8 janvier 2011

L'indignation d'Alex Türk et les vœux de Sarkozy

Travailleurs palestiniens au check-point de Bethléem, 01/11/10. 
©Collectif Wolf/ Bon pied Bon œil
 Meilleurs vœux !... nous souhaitent le gouvernement - ainsi, bien sûr, que Vos Papiers!

Cela rassure Alex Türk, député UMP et président de la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), qui répond à la question du Monde (1er-3 janvier 2011), "Qu'est-ce qui vous indigne?", adressée à plusieurs personnalités (la réponse de M.-E. Leclerc, qui parle de "bonne conscience", vaut le coup d'œil !), suite à l'opuscule du résistant nonagénaire et co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, Stéphane Hessel (Indignez-vous!)... ce dernier "ne résiste pas à l'envie de citer l'art. 15 de la [Déclaration]: "Tout individu a droit à une nationalité", qu'il faudrait radicaliser en "Tout individu a droit à l'existence légale et documentée".

Au passage et pour s'éloigner - d'apparence - du thème de Vos Papiers!, S. Hessel cite l'occupation de la Palestine comme motif spécifique d'indignation : la photo ci-desssus (du Collectif Bon pied Bon œil, dont vous pourrez voir des collages dans Paris et ailleurs) montre à quel point le contrôle des papiers - ici, du certificat d'autorisation de travail en Israël - s'insère dans des dispositifs "durs" de contrôle et de "canalisation des flux". Peu probable que le contrôle biométrique ne supprime ce genre de murs et de check-points, le moderne se combinant avec l'archaïque plutôt qu'il ne l'efface.

Bref, que répond donc M. Türk, l'homme a la double casquette ?
2010 a été une année charnière au cours de laquelle les phénomènes liés aux usages du numérique, Internet, géolocalisation des personnes et des biens, etc., ont profondément modifié la donne en matière de protection de la vie privée et des données personnelles. A ce jour, aucune instance internationale n'a encore pris la mesure du problème et donc les [sic] initiatives nécessaires pour préparer "un sommet de la protection de la vie privée des citoyens à l'ère numérique" [c'est M. le président de la CNIL qui parle]. Mais, en 2011, les G20 seront présidés par la France et il y aura donc une occasion à ne pas laisser passer [c'est M. le député UMP qui parle].
L'optimisme inébranlable d'A. Türk ferait-il allusion à une remarque incidente (ai-je rêvé? je n'arrive plus à la retrouver...) du président Sarkozy concernant un éventuel sommet mondial, en 2011, sur la "société numérique" ou la vie privée? Après avoir fait signée la très modeste Charte du "droit à l'oubli dans les sites collaboratifs et les moteurs de recherche", en octobre 2010, par divers acteurs du web (dont la Confédération nationale des associations familiales catholiques, on voit pas trop ce qu'elle vient faire là à part défendre l'ordre moral catholique), l'ex-secrétaire d'Etat NKM disait bien qu'il ne s'agissait que d'un "premier pas" (mais un "grand pas" pour la droite française, peu concernée par ce genre d'enjeux ?). J'ai dû rêver... et qu'attendre d'un tel sommet?

Commençons par nous intéresser à la composition de la CNIL, à l'absence de représentants de la société civile (Ligue des droits de l'homme, Souriez, vous êtes filmés!, acteurs d'Internet, etc.), à son manque de moyens de contrôle, tant budgétaires que législatifs (ainsi, pour ce qui concerne les dispositions de la loi LOPPSI au sujet des scanners corporels), etc.

Concernant l'atteinte à la vie privée constituée par l'interdiction du "voile intégral", les parlementaires de gauche qui ont voté le texte ont sans doute été heureux d'apprendre que, dans ses vœux présidentiels, Sarkozy évoquait cette loi en même temps qu'il nous rappelle à l'ordre - du moins à ce que la droite autoritaire entend par "ordre". Dans ce même paragraphe, il enjoint aux étrangers "que nous accueillons" (dans notre très grande magnanimité) d'exercer ce "respect dû à la France", une conception de l'hospitalité bien étroite; il manie la rhétorique condamnant "l'égalitarisme" et "l'assistanat" et prétend équilibrer "la liberté" avec le "respect que chacun doit aux autres". Bref, la loi sur le voile est évoquée dans un passage interprétant "nos principes républicains les plus chers" de la façon la plus réactionnaire qui soit... Quant à nous, au sujet de l'hospitalité, nous préférons lire Derrida plutôt que Sarkozy, et surtout, mettre celle-ci en œuvre...


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