dimanche 24 octobre 2010

Le fichage, arme contre le viol?

Omniprésent dans les médias, le viol l'est aussi devant les tribunaux. Avec 1 684 condamnations en France en 2008, les viols représentent près de la moitié des crimes jugés aux Assises, devant les homicides, en baisse depuis les années 1980. Une étude sociologique de Véronique Le Goaziou et Laurent Muchielli souligne toutefois le gouffre entre les faits et leur perception médiatico-judiciaire.

A partir de celle-ci, on verra que le FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génitales) sert à retrouver les auteurs de viol que lorsqu'ils ne connaissent pas leurs victimes, cas qui ne représente qu'un quart des affaires jugées et une proportion encore inférieure des cas de viol: les "viols conjugaux", notamment, échappent souvent à toute poursuite, alors même qu'ils touchent toutes les catégories sociales. 

Ceci conduit à relativiser fortement l'argument selon lequel le fichage des "délinquants", y compris pour de simples délits, permettrait ensuite de résoudre les crimes les plus graves. Lutter contre le viol passe d'abord par le soutien, notamment budgétaire, aux services médico-sociaux et par la prévention de l'alcoolisme, mais aussi par la conscience des limites de cette politique et la prise en compte de la détresse économique et sociale qui affecte les personnes ayant vécu une "enfance difficile". Cela exige aussi de prendre en compte l'omniprésence des violences conjugales, présentes dans tous les milieux.
 
Les viols commis par des proches représentent plus de la moitié des affaires jugées

Cette étude de 4 pages renverse plusieurs clichés, et notamment celui-ci: les viols collectifs ("tournantes") et les viols commis par des inconnus seraient les plus courants. Analysant un corpus judiciaire d'environ 400 affaires, les auteurs établissent une typologie en 5 catégories:
  • les viols intrafamiliaux « élargis » (196 affaires, 47 % du total);
  • les viols conjugaux (19 affaires, 4 % du total);
  • les autres viols de forte connaissance (72 affaires, 17 % du total);
  • les viols collectifs (23 affaires, 5 %): c'est la seule catégorie caractérisée par la forme d'agression plutôt que par la relation de connaissance entre auteurs et victimes;
  • les viols de faible connaissance et les viols commis par des inconnus (115 affaires, 27 % du total)  
Les viols familiaux (les deux premières catégories) représentent plus de la moitié des affaires jugées. Loin, donc, des clichés des séries policières. Si on ajoute à cela les viols de "forte connaissance" (relations amicales, de travail ou de voisinage), on arrive à plus de 60% des affaires. Les viols sur lesquels les médias insistent le plus, "tournantes" et viols commis par des inconnus, concernent en réalité un nombre réduit d'affaires: seulement 5% pour les viols collectifs, et 1/4 pour les "viols de faible connaissance" ou commis par des inconnus.

Viols en bourgeoisie

Les auteurs mettent toutefois en rapport cette réalité judiciaire avec les enquêtes de victimation (sondages anonymes). Celles-ci montrent que seules 5 à 10% des victimes portent plaintes: "la marge de progression de ce contentieux est [donc] énorme". Mais la surprise de l'étude, c'est de montrer que le viol - comme l'alcoolisme - touche tous les milieux. Vu la "nature humaine", et surtout "masculine" (98% des condamnés sont des hommes), diront certains, cela n'est guère étonnant. Les auteurs concluent :
Si les incestes sont de plus en plus dénoncés, les viols conjugaux résistent en revanche beaucoup plus à la judiciarisation. Cette dernière se révèle par ailleurs très inégale selon les milieux sociaux. Après la fréquence des viols, l’enseignement majeur des enquêtes de victimation est sans doute que cette violence de proximité existe dans tous les milieux sociaux et dans des proportions comparables. Or, l’un des enseignements majeurs de notre recherche sur dossiers judiciaires est aussi que environ 90 % des auteurs de viols jugés sont issus des milieux populaires. En d’autres termes, les viols demeurent surtout dissimulés dans les classes sociales les plus favorisées.
Les viols "intra-familiaux": des affaires de pédophilie peu médiatisées

Lorsqu'il s'agit des viols "intra-familiaux" (47% des affaires), les auteurs n'ont en général pas de casier. Ce type de viol s'insère dans un continuum d'agressions sexuelles (attouchements, etc.) et dans la durée: l'étude propose de parler d'« abuseur-violeur en série de proximité ». C'est le seul type dans lequel un nombre important de victimes sont masculines (20%), celles-là étant généralement très jeunes.

En bref, c'est la figure du "pédophile", qui a souvent eu une "enfance difficile". Bien sûr, cela ne signifie pas que tous les enfants maltraités ou qui ont été abandonnés deviendraient des "monstres pervers" (sic) ou de nouveaux Gilles de Rais. 

Contrairement aux affaires de pédophilie médiatisées, celles-ci se déroulent en général au sein de la famille "élargie". Rien à voir, donc, avec l'affaire Évrard ou Dutroux, qui entrent dans la 5e catégorie ("faible connaissance" ou inconnus), ou avec les affaires concernant l'Eglise catholique ou la Casa Pia, qui entrent dans la 3e catégorie ("forte connaissance"). 

Les "viols conjugaux", ou la domination masculine
 
Les "viols conjugaux", largement sous-représentés dans les tribunaux (4% des affaires) si on les met en rapport avec les enquêtes de victimation, diffèrent des premiers d'abord par leur logique: ils ne s'insèrent pas dans une suite d'agressions sexuelles, mais de violences conjugales. Le viol conjugal n'est reconnu que depuis 1990, la Cour de cassation ayant entériné l'interprétation d'une cour d'appel selon laquelle si
le consentement au mariage peut faire présumer jusqu’à un certain point, de la part des époux et aussi longtemps qu’ils demeurent mari et femme, leur consentement aux relations sexuelles, il n’en demeure pas moins que cette présomption n’a rien d’irréfragable.
La Cour entérinait ainsi l'évolution entamée dans les années 1970 et concrétisée par la loi de 1980 sur le viol, définissant celui-ci comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ". D'atteinte à l'institution du mariage, ce qu'il était depuis le Code Napoléon, le viol devenait une atteinte à l'intégrité psychique de la victime, le "sexe" ayant été constitué, comme le rappelait déjà Foucault, en "chiffre de l'individualité", "objet du grand soupçon" et "fragment de nuit que chacun porte en soi". Marcela Iacub (2002) écrit ainsi:
les rapports sexuels hors mariage étaient juste tolérés, mais ils étaient sur le fond considérés comme immoraux. Et c'est pour cela qu'ils devaient être "consentis". Le consentement des partenaires ne faisait que, pour ainsi dire, lever la sanction. Ces actes étaient pourtant, en eux-mêmes, des atteintes à l'institution du mariage. Et s'ils n'étaient pas consentis, alors il y avait crime.
Le viol conjugal a aussi été évoqué par Patric Jean dans son documentaire choc La Domination masculine. Il y plaidait en faveur de la thèse d'une continuité entre le sexisme (avec le début sur les jouets de "mecs" et de "filles"), la pornographie, les violences conjugales et le viol.

Si le cinéaste forçait le trait, il est clair que la justice n'a actuellement pas les moyens de répondre à ces viols, beaucoup plus importants qu'il ne le semble. V. Le Goaziou et L. Muchielli ne nous disent pas si les auteurs de viols conjugaux ont déjà été condamnés par le passé.

Ils pourraient l'être, en cas de dénonciation antérieure de violences conjugales (par la victime, des proches ou des voisins), dont la sévérité des peines vient d'être accrue: loi du 4 avril 2006, qui grave dans le marbre législatif la jurisprudence de 1990, et du 9 juillet 2010, qui a notamment introduit le bracelet électronique et vise à faciliter les plaintes en créant l'ordonnance de protection.

Ils pourraient aussi l'être, dans la mesure où si l'alcoolisme - qui touche toutes les classes sociales - est souvent corrélé, vraisemblablement, aux violences domestiques, il l'est aussi à bien d'autres sortes de délits: un rapport parlementaire de 2009 indiquait que l'alcool entrait en jeu dans plus de 2/3 des homicides, dans plus d'1/3 des crimes et délits contre enfants, près d'1/3 des coups mortels et coups et blessures volontaires et plus d'1/4 des crimes et délits sexuels. Tout comme pour l'"enfance difficile", cela n'implique pas que tous les alcooliques se mettent en infraction; en revanche, toutes catégories d'infractions confondues, l'alcool intervient une fois sur cinq... Le rapport souligne:
bien que l’imprégnation alcoolique au moment des faits ne soit pas systématiquement dépistée, il est possible de distinguer:
  • un groupe restreint de sujets qui se caractérise par la fréquence de l’alcoolisation de l’auteur lors des faits et aussi par un mésusage. Dans plus des deux tiers de viols et d’agressions sexuelles sur majeurs, l’auteur est alcoolisé lors des faits et/ou mésusager;
  • un groupe plus hétérogène de sujets présentant un mésusage d’alcool et étant sous l’empire de l’alcool au moment des faits qui rassemble près de 50% des viols et agressions sexuelles sur mineurs et près de 50% des violences entre conjoints;
  • un groupe encore plus hétérogène de sujets présentant un mésusage d’alcool dans un peu plus d’un quart des faits de maltraitance à enfants et étant sous l’empire de l’alcool au moment des faits dans 30% des faits de violences générales. Ainsi, dans respectivement 29% et 30% des cas, les affaires de ces deux contentieux pourraient être considérées comme associées à l’alcool.
Les "viols de forte connaissance" 

La qualité d'ascendant légitime ou de personne ayant autorité représentant une circonstance aggravante, cela facilite la comptabilité. Le fait de créer des infractions spécifiques ("viol conjugal", voire "inceste", etc.), parfois critiqué pour son incohérence juridique, permet en effet surtout d'établir des statistiques et de faciliter le travail des... sociologues! Cela avait été relevé par E. Allain sur le blog Dalloz, qui indiquait toutefois, à propos de la loi sur l'inceste: "le dernier de ces objectifs [affiner les études statistiques sur les violences sur mineurs] n’appelle pas de commentaire particulier si ce n’est qu’il semble une justification bien faible pour introduire une nouvelle qualification pénale." A infraction pénale spécifique, typologie plus fine des "délinquants"...
 
Les viols de "forte connaissance" concernent majoritairement des majeurs, les auteurs ayant en moyenne 28 ans. Ce "type" est constitué de deux catégories :
  • les viols "entre amis", souvent accompagnés, comme dans le cas des viols conjugaux, de violences ; 
  • les viols commis par des ascendants, souvent sur de jeunes garçons (on se rapproche des affaires de la Casa Pia ou de l'Eglise).
On ne saura pas non plus si dans cette catégorie les auteurs ont fait l'objet de condamnations préalables.

Les "viols collectifs" et les viols "de faible connaissance" ou commis par des inconnus: des crimes commis par des "marginaux"

On aborde les catégories les plus médiatisées. Passons rapidement sur les "tournantes", qui ne représentent que 5% des affaires. Auteurs et victimes ont en général dans la vingtaine, et ce type d'affaires arrive autant dans les quartiers populaires que dans les petits villages. La construction du "machisme arabe", qui permet d'instrumentaliser le féminisme à des fins racistes et islamophobes, joue sans aucun doute un rôle majeur dans la focale sur les "cités" plutôt que les villages...

Quant aux viols "de faible connaissance" ou commis par des inconnus, qui représentent 1/4 des affaires jugées (combien des affaires dans les médias?), ils se distinguent entre ceux où victimes et auteurs se sont liés au cours d'une soirée, dans un bar, etc., le viol se commettant souvent à domicile, et ceux entre parfaits inconnus, se déroulant dans la rue ou l'espace public.

Dans les deux cas, les auteurs ont des profils psychosociaux problématiques: les psychiatres évoquent des "pulsions", les auteurs ont eu "une enfance difficile" et ont souvent des problèmes d'accoutumance (alcool ou/et stupéfiants). Les SDF sont sur-représentés (20%), effet probable de la conjonction entre ces facteurs, ajoutée à la misère sexuelle. 80% des hommes avaient déjà des casiers, et dans près de la moitié des cas avaient déjà été condamnés pour agression sexuelle.

Le fichage, un moyen de lutte contre le viol?

Outre le fait que la justice connaît essentiellement des cas concernant les classes populaires, alors que les enquêtes de victimation montre que le viol touche toutes les classes, le discours sécuritaire se concentre sur la dernière catégorie, qui ne représente qu'1/4 des affaires.

On n'en déduira pas que celles-ci ne sont pas importantes. Mais cette étude souligne la faiblesse de l'argument du fichage comme moyen de repérer les "récidivistes", en se basant sur l'argument selon lequel les crimes graves seraient le plus souvent précédés de simple délits. Cela n'est vrai que pour la dernière catégorie, et pourrait l'être pour les viols liés à l'alcool.

Mais dans le cas des violences conjugales, souvent associé à l'alcoolisme, le fichage ne sert à rien: victimes et auteurs étant liées par des liens serrés de connaissance, nul besoin d'aller fouiller dans le FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) pour dénicher un suspect. Nul besoin de créer un fichier d'1,5 millions de  "mauvais citoyens", dont les "faucheurs d'OGM", qui incluent les "personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions" donnant droit au fichage (art. 706-55 CPP), et qui "naturellement peut se croiser" avec le Fichier des empreintes génitales (sic) de Hortefeux (FAED, fichier automatisé des empreintes digitales), qui regroupe 3,5 millions de personnes.

Le fichage n'a en effet d'utilité que pour la dernière catégorie. Lorsqu'auteurs et victimes ne se connaissent pas du tout, il permet sans doute de retrouver les auteurs et de les punir. Difficile, dans ce cadre, de contester la légitimité du FNAEG, tel qu'il avait été créé à l'origine par la gauche qui n'y avait inclus que les "délinquants sexuels".

Mais on voit aussi que ces cas sont corrélées de manière importante à des profils psycho-sociaux de "marginaux". En bref, il conviendrait de prendre un peu plus au sérieux la prévention médico-sociale au lieu de lui couper les fonds.. Mieux vaut prévenir que "guérir", surtout lorsque la "guérison" consiste en une incarcération aggravant encore les "profils psycho-sociaux". Il ne s'agit pas, là, d'"excuser" les violeurs par leur profil, mais plutôt de prendre le viol au sérieux, en s'attaquant sinon à ses "causes", du moins à des facteurs favorisant le passage à l'acte.

Ce d'autant plus que ce type de suivi social concernerait aussi la première catégorie, les « abuseurs-violeurs en série de proximité », et permettrait peut-être de faire en sorte qu'un plus grand nombre de ces criminels suivent le même trajet que la majorité des personnes ayant eu, eux aussi, une "enfance difficile", mais ne s'étant pas pour autant rendues coupables de viols en grandissant.   

S'agissant du viol conjugal, catégorie qui fait le moins l'objet de plaintes et qui s'insère dans le continuum du sexisme, on ne peut a priori qu'appuyer la législation visant à faciliter la prise en compte des violences conjugales. Mais, au nom de l'urgence légitime de la prévention de ces violences, les nouvelles lois ont tendance à oublier quelques principes élémentaires. Le Syndicat de la magistrature (SM) a ainsi critiqué l'abaissement du niveau de la preuve requis en ce qui concernait l'ordonnance de protection que peut mettre en œuvre le juge aux affaires familiales (élargissant ainsi le pénal au droit civil), ainsi que l'alignement des violences conjugales sur les crimes et les agressions sexuelles par l'extension du suivi socio-judiciaire et du bracelet électronique. Ce n'est pas parce qu'il y a continuité sociologique et statistique entre violences conjugales et viol qu'il faut mettre les deux sur le même plan au niveau juridique!

Des limites du suivi socio-médical 

Lutter contre le viol passe d'abord par un suivi approprié de personnes ayant souvent eu des "enfances difficiles", sachant qu'une minorité de celles-ci se rendent ensuite coupable de viols, première ou dernière catégorie. Le FNAEG ne sert que pour retrouver ceux effectués dans ce dernier cadre, et non à les empêcher. C'est déjà bien; c'est peu au niveau global des viols. Un tel suivi requiert un soutien budgétaire aux services médico-sociaux de l'enfance. Il ne faudrait pas l'oublier au moment du vote de la loi de finances. 

Un tel suivi, néanmoins, doit s'abstenir de toute stigmatisation, ce qui n'est pas simple! Il faudrait en effet éviter ce que rappelle Iacub:
Les victimes sont à ce point victimisées, pour ainsi dire, que l'on suppose - parfois on a même la certitude - que l'enfant, après un tel traitement, deviendra lui-même un violeur, et plus précisément un violeur pédophile. Et c'est pour cela, vous savez, qu'on leur propose un traitement psychologique, tout comme aux criminels; parce qu'ils sont tenus justement pour des criminels en puissance, comme si le sexe criminel était une sorte de vampirisme qui se transmettait comme ça, par les morsures d'un autre vampire... C'est dans la loi, ce que je vous dis. Ça date de 1998.
Et Ian Hacking (1999) d'évoquer des études qui souligneraient que, si la maltraitance infantile est sans aucun doute un fait réel, le concept, flou, de "maltraitance infantile", et le dispositif d'expertise, et de suivi social qui a été créé autour depuis les travaux novateurs de C. Henry Kempe,  pourrait avoir des effets pervers. On l'accuse, en effet, de ne pas se contenter d'une description des symptômes de ce mal, mais aussi de contribuer à les produire, alors même que ce dispositif vise à les soigner. Ces avertissements ne visent pas à nier  le mal, mais à éviter que le remède ne se révèle pire. Ils montrent ainsi la limite d'un tel "suivi" de "l'enfance difficile", concept qui a la fâcheuse tendance à mélanger la misère, l'abandon de l'enfant, etc., avec la maltraitance infantile, qui elle-même regroupe des cas aussi différents que la négligence et toutes sortes de violences distinctes (physiques, affectives, symboliques).

Lutter contre le viol, ensuite, nécessite un changement de focale : au lieu de centrer l'attention sur les classes populaires et urbaines, il faut prendre en compte les difficultés rurales, d'une part, et d'autre part et surtout, les violences conjugales et, par conséquent, le machisme d'un côté, et l'alcoolisme de l'autre. Lesquels sont très loin de se limiter aux "cités"...

Il est ainsi douteux que le droit, à lui seul, qui plus est lorsqu'il comporte des aspects douteux, et a fortiori le fichage, puisse constituer une réponse efficace aux violences sexuelles. Mais on voit à quel point la prévention du viol implique une politique sociale élargie, allant bien au-delà d'un suivi médico-social des enfants qui vivraient des situations difficiles. Délaisser les questions économiques et sociales, par exemple en ignorant que l'"enfance difficile" regroupe des situations hétérogènes de détresse économique et sociale, au profit de l'expertise médico-sociale et de la pénalisation ne constitue pas, semble-t-il, la meilleure manière de lutter contre ce dont on prétend se prévenir. Pas plus, d'ailleurs, que de croire que le viol serait une "maladie de pauvres", et de  prétendre que le sexisme et les violences conjugales ne touchent qu'une catégorie de la population. Paradoxalement, il se pourrait qu'une prévention efficace du viol exige qu'on cesse de se focaliser uniquement sur ce mal.

De la nécessité de contrôler l'identité de son partenaire avant de coucher

Quant au fichage génétique et digital, qui n'a donc d'utilité que pour une minorité des cas de viol, nous suggérions en fait de suivre Hortefeux et non seulement de le généraliser, mais surtout de consulter ces "deux fichiers majeurs" du ministre avant tout acte sexuel. Cela permettrait, en effet, d'éviter tout pseudo-consentement suite à une confusion sur la personne. 

M. Iacub nous rappelle en effet cette anecdote loufoque : lorsque la Cour de Cassation a défini le viol au milieu du XIXe siècle, il s'agissait d'un cas rappelant étrangement l'histoire de Martin Guerre, cet homme qui avait "volé" la femme d'un autre, au XVIe siècle, en usurpant l'identité du mari disparu. Dans cette autre affaire, du XIXe siècle, "un homme était entré dans le lit d'une femme en se faisant passer pour son mari" et, alors qu'elle répondait au "devoir conjugal", elle se rendit compte qu'elle avait été trompée et avait repoussé son faux-mari. Si elle avait vérifié l'identité de son mari en consultant le FNAEG, ça ne serait jamais arrivé !


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Les viols jugés en Cours d’assises : typologie et variations géographiques, Véronique LE GOAZIOU et L. MUCHIELLI, Questions Pénales, sept. 2010, 4 p.,

Les empreintes génitales de Hortefeux: le fichier MENS existe-t-il?, Vos Papiers!, 18 octobre 2010  

Ian Hacking, Entre science et réalité. La construction sociale de quoi?, 1999, La Découverte, 2009, chap. V, "La fabrication d'un genre: la maltraitance infantile".

Marcela Iacub, Qu'avez-vous fait de la libération sexuelle?, Flammarion, 2002 (notamment chap. V, "La belle au bois violée" et VI, "Les crimes sexuels sont-ils des atteintes à la liberté sexuelle?")

Michel Foucault, La volonté de savoir, tome I de L'Histoire de la sexualité, Tel Gallimard, 1976

Michèle Mestrot et Julien Marrochella, Violences conjugales : vers un droit spécifique ?, Blog Dalloz, 13 juillet 2010

Loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, Vie-publique.fr

Emmanuelle Alain, Fallait-il faire entrer l’inceste dans le code pénal ?, Blog Dalloz, 5 février 2010

Pascal Riché, « La Domination masculine », film anti-mâles : deux bonus vidéo, Rue 89, 25 novembre 2009


Loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs

Cour de cassation, audience du 5 septembre 1990, n° de pourvoi 90-83786 : l'arrêt historique ayant reconnu la possibilité du "viol conjugal" malgré le consentement présumé aux relations sexuelles établi par le mariage 

2 commentaires:

  1. beauf

    misère sexuelle ? et puis quoi ? combien de violeurs sont en couple ? dans le cas des bandes, pourquoi ne pas aller au bois de boulogne ?

    n'importe quoi, le violeur s'excite du non consentement de sa victime, il n'est pas victime mais agresseur

    il agresse pour détruire, il humilie, voilà pourquoi beaucoup de viol se cantonne à doigter la victime

    y a ni rationnalité, ni reproduction de traumatisme déjà vécu

    je suis plus fort que toi, je vais te faire ce que je veux = la base

    ensuite la culture, femme, faible, salope car elle aguiche , par ses habits ou sa simple condition de femme

    je suis un homme, je vais, on va la baiser, point

    à écouter cette chanson de rap qui dit, voile ta femme si tu veux pas qu'on la viole, cool

    l'aspect punitif, comme dans les rapports amoureux, l'homme est juge et partie, je veux une femme sexuellemement serieuse mais je cherche à sauter tout ce qui passe

    je vais violer cette salope mais moi , en tant que violeur, c'est pas grave

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  2. Bonjour,

    il est toujours préférable de lire avant de répondre à un post.

    Le seul moment où je parle de "misère sexuelle", c'est pour les SDF. Nieriez-vous cette forme de misère?

    Pour le reste de votre réponse, notamment le "il n'est pas victime, mais agresseur", il est évident que vous avez besoin de relire. Ou ai-je dit qu'une personne ayant commis un viol était une "victime"? Ai-je nié la violence faite aux femmes par le viol?

    Vous vous êtes trompé de ce sujet: ce post est une simple interrogation sur l'utilité des fichiers dans la répression d'un crime, point.

    Le fait de constater, statistiques à l'appui, qu'un certain nombre de ces agresseurs ont eux-mêmes été agressés dans leur enfance - ce qui, encore une fois, ne veut pas dire que toute victime, enfant, devient agresseur, adulte - n'est en rien une justification.

    Mais votre discours, récurrent chez une certaine droite populiste, tend à confondre explication et justification, sociologie et morale.

    Bien cordialement.

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